« Les bébés sont les psychothérapeutes les plus talentueux qui soient...

 Ils savent exactement quoi faire pour guérir l’humeur de leur mère, et la rendre heureuse ».


Grand frère et petite soeur.

« Les bébés sont les psychothérapeutes les plus talentueux qui soient. Ils savent exactement quoi faire pour guérir l’humeur de leur mère, et la rendre heureuse ». Je devais m’en apercevoir tôt, depuis la position de grand frère, et non de mère, bien évidemment (Puis plus tard, en position de père : je me suis beaucoup occupé d’eux, surtout quand ce fut moi le travailleur à domicile, seul présent pour s’occuper des enfants).

Je ne sais plus exactement si c’était avant ou après la saison d’hiver et de printemps passée à Autrans (à la réflexion, ce devait être avant), mais en tout cas quand nous résidions encore au 2 place Gustave Rivet, que ma soeur fut installée dans la même chambre que moi. Toutes les nuits, elle s’éveillait pour pleurer. Toutes les nuits j’allais la consoler, ce qui signifiait la prendre dans mes bras. Aussitôt elle attrapait mes cheveux et les tournait dans ses mains, et se mettait à tétouiller. Elle finissait la nuit dans mon lit. Bientôt, je n’ai même plus eu besoin de me réveiller pour faire ce trajet. Il m’est arrivé de me réveiller sur le trajet du retour, avec le bébé déjà calmé, bien agrippé à mes cheveux.

Si j’étais un disqualifié par le criticisme paternel impénitent, du moins étais-je un grand frère requalifié par ma petite soeur, qui aimait bien son grand frère.

Question : Et si c’était un cas similaire pour Gazonbleu ? Si au delà de sa jalousie dissimulée, elle n’avait pas été elle aussi requalifiée par ses petits frères, en réparation de la disqualification et du harcèlement maternels ? Elle seule pourrait répondre - ce qu’elle refusera de faire, hélas. En l’absence de vérification directe, ce scénario offre l’avantage de fournir un bon cadre explicatif pour la facilité de Gazonbleu pour les rôles maternels, en opposition à son intolérance envers l’autonomie des personnalités.


« Ça c’est ton papa ! Et ça c’est ma maman ! »

Plusieurs de ces textes sont déjà parus sur des forums internet. Il y a eu des réponses.

Deux ans

A deux ans et dix mois, Sigbert traîne une lourde chaise pliante jusqu'à sa maman, qui était appuyée dos à la balustrade en bord de terrasse, puis grimpe dessus. Il demande alors :

« Maman! Ze veux du zambon !

- Il n'y a en plus ! (il le savait, l'animal)

- Alors il faut que ze tête ! »

Il soulève le polo de sa mère, et s'installe au sein. Photo ! Il était exactement à la hauteur.


A ces mêmes vacances, du haut des bras de sa mère, il crie pour chasser Frédégonde, qui veut aussi sa part de la tendresse maternelle :

« Ça c’est ton papa ! Et ça c’est ma maman ! »

Je les ai pris alors tous les trois dans mes bras : Vous avez tous les deux DEUX parents.


Au printemps précédent, en vacances au même lieu chez sa grand-mère, mais sans nous les parents, il est en désaccord avec sa grand-mère. Il lance « Je le dirai à ma maman ! Et elle va CRIER ! »


Toi, tu veux que je sois sage...

« Toi, tu veux que je sois sage, mais moi, j’aime pas être sage ! »


Une autre fois, pensif à sa soeur : « Toi, tu as de la chance : maman te croit. Alors tu peux mentir... »

Ceci pour faire court : il y en a tellement, des traits de Sigbert, marquant son goût de la fabulation et du mensonge.


Sigbert commence à raconter son rêve de cette nuit. Un trou de mémoire l’embarrasse, et il demande le complément à sa mère :

« Mais enfin ? Tu y étais bien, dans mon rêve ! »


Les soucis de Sigbert

Sigbert avait quatre ans et deux mois. Je l’habillais, debout sur la commode qui avait longtemps servi de table à langer, avant de le conduire à l’école.

« Et toi, papa ? Est-ce que tu peux bander ?

- (...)

- Mais alors ? Pourquoi je t’ai jamais vu ?

- (...) »


Deux jours plus tard, dans les mêmes circonstances, Gazonbleu, amusée par l’anecdote précédente, lui demande :

« Et toi, Sigbert ? Est-ce que tu peux bander ?

- Oui ! Regarde ! »


Ça fait très longtemps !

« Oh ! mais moi ça fait très longtemps que je ne tête plus ma maman ! Depuis que j’ai quatre ans et demi ! ». Il n’avait pas encore cinq ans.


Les questions des petits génies.

Je ne sais plus s’il avait plus ou moins de quatre ans, le jeune « Sigbert ». Je crois bien me souvenir qu’il n’avait que trois ans et demi, lorsqu’il a fait cette réflexion à haute voix :

« Moi, j’ai deux parents (il savait parfaitement ce que cela signifie, du point de vue génétique). Toi aussi, tu as deux parents. Papa aussi a deux parents. Mais alors le premier ? »

Hélas, « Gazonbleu » n’a pas exploité la question géniale dans l’instant. Et quand je l’ai su, Sigbert avait déjà d’autres intérêts...


Qui est amoureux ?

Cette fois, le jeune Sigbert avait quatre ans et demi. Son aînée en avait huit. Pour respecter le rythme des répliques enfantines, nous abrégerons son pseudo à « Frédé ». Tous deux jouaient cet après-midi là avec deux garçons inconnus, Florian, neuf ans, et René, cinq ou six ans. Assez sadiques, les deux garçons...

Ils demandent à Frédé « Qu'est-ce que tu aimerais le moins qu'on te dise ? ». Naïve, elle leur répond « Ah ! Ce que je n'aimerais pas, c'est qu'on me dise que je suis amoureuse ! ».

Triomphants, ils l'accablent aussitôt sur l’air des lampions :

« Frédé est amoureuse ! Frédé est amoureuse ! Frédé est amoureuse ! Frédé est amoureuse ! ... ».

Furieuse, Frédégonde proteste d'abord « Non, je ne suis pas amoureuse ! ». Peine perdue. Alors elle se lance à leur poursuite pour leur faire un mauvais parti. Ils sont plus rapides, et les voilà esquivés.

Enchanté d'avoir un si bon truc, le jeune René se tourne alors vers Sigbert, et lui lance les mêmes lazzis : « Sigbert est amoureux ! Sigbert est amoureux ! Sigbert est amoureux ! ».

« Non, je ne suis pas amoureux », répond calmement le petit. « C’est toi qui es amoureux. »

Le visage du jeune René se décompose alors sous les larmes, et il s'enfuit vers son grand frère en pleurant : « Florian ! Il a dit que j'étais amoureux ! »

Moralité : pourquoi s'attaquer à celui qu’on croit plus faible que soi ? Est-on si sûr que cela, que cela sera sans risques ? Ce forum (écrit en 1999-2000) est plein de gens qui ne sont pas plus sages.


« Papita ! »

« Papita ! » avec un fort accent tonique sur la dernière syllabe, ce fut sa prononciation de Nabis, notre chien beauceron. Sigbert adorait son chien, qui savait se faire douceur pour lui, bien qu’il lui ait une fois déchiré la joue. Nabis se laissait caresser les oreilles par un petit garçon aussi heureux que lui d’avoir quelqu’un à caresser. Ce chien de la SPA était bien bizarre, faisait d’énormes dégâts, mordait de nombreux chiens à Sottenville, mordait les passants à Rennes, et mordit l’infirmière bourrue venue piquer Gazonbleu. Juin 1983, se rendant à Saint-Méen avec quelques meubles pour moi, et en compagnie de notre ami Georges P. Gazonbleu essaya d’abandonner Nabis dans un bois, mais il refusa de se laisser abandonner.

A Saint-Méen, nos enfants en visite jouaient autour de l’usine, faisant les délices de mes collègues, cols bleus comme cols blancs. Sophie LeC tente sa chance : « Et toi Sigbert ? Est-ce que tu sais compter ?

- Oui, mais je suis fatigué ! »


« Mais je t’aime bien toujours ! »

Plusieurs de ces textes sont déjà parus sur des forums internet. Il y a eu des réponses.

« Moi j’aime bien le marron ! »

- Pourquoi ? (elles faisaient le grand lit, et Frédégonde fixait la couverture de mohair marron).
- Ça me rappelle papa. Il a les yeux marron, et il s’habille souvent en marron. »

Et j’étais en déplacement chaque semaine sur Rennes.


Grande question : oser dire « Je t’aime » (réponse à « Dranreb » sur le Net).

Tu as exprimé en mots sobres la peur de dépendre. Pas d'amour sans reconnaître l'interdépendance. Pas de société non plus du reste. Sauf que ce n'est pas exactement la même interdépendance.

La plus belle déclaration d'amour, c'était celle de ma fille aînée : elle avait neuf ans et demie.

"Papa, je t'aime bien !
- Oui, moi aussi (prénom)! Mais il ne faut pas me le dire toujours.
- Mais moi, je t'aime bien toujours !"

La voici, nettement plus jeune, âgée d'un peu plus d'un an et demi, profitant d'une interruption pendant vissage de cornières PellySystem pour étagère enjambant le radiateur :

Photo : Triomphe sur le père

Ultérieurement, de l'adolescence à nos jours, l'évolution du personnage et la suite de l'histoire sont plutôt atroces. Sa mère avait besoin d'un pistolero, comme délégué à la violence conjugale, et la fille est devenue cette pistolera.


Pissili ! Pichignon !

C’est bien d’apprendre le langage des grands, mais il est mieux encore de se le personnaliser. Pas question d’apprendre « pissenlit », quand « pissili » fait tellement joli. Quant aux trois syllabes de « champignon », l’entraînement donnait quelque chose comme cela (j’abrège beaucoup les répétitions prudentes) :

« Cham
- cham
- pi
- pi
- champi
- champi
- pignon
- pignon
- champignon
- Pichignon ! »


« Moi je vais chez grand-mère Anne ! Tu connais... »

Il est un âge, où c’est une aventure qui ne passe pas inaperçue, de prendre le train avec les enfants. Ils parlent, ils questionnent... Je la conduisais à Paris chez sa grand-mère. Elle entra en conversation avec tous les occupants du compartiment, avide d’informations.

«  Moi je vais chez grand-mère Anne ! Tu vas aussi chez grand-mère Anne ? Tu connais grand-mère Anne ?
... Et ce monsieur ? C’est le mari de qui ? ... »

Un peu plus tard, avec sa mère, même trajet, mais dans une voiture-coach, à seulement deux compartiments, d’une douzaine de travées, Frédégonde entreprend la conversation avec une jeune femme. Bientôt le demi-wagon s’étrangle de rire. Frédégonde vient d’annoncer « Moi aussi, quand je serai grande, j’aurai des gros seins comme toi ! »

J’emprunte à « Aalcyon » cette anecdote voisine (en réponse à mon billet « Panique et répression », cité dans le chapitre « J’aime... Quelques parutions sur forum internet en 2000. ») :

Révélation :

Une amie à moi faisait la queue avec son fils de quatre ans à un guichet bancaire. Tout à coup le garçonnet se tourne et aperçoit un policier juste derrière lui, qui faisait la queue aussi. Et le garçonnet de révéler au policier de sa voix la plus puissante : « Ma maman à moi, ben tu sais pas quoi, ben elle a une vulve ! »

Tu imagines un peu la tête de la maman... Heureusement le policier en avait vu d’autres. Très flegmatique et comprenant le malaise de la maman, il regarda le garçonnet très directement et lui dit : « Ha ? Oui, hé bien moi, tu sais, j’ai un pénis. »


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Plan de la monographie "Mission parricide"

.Le conte du papa qui mourait de solitude, à petit froid. Chronologie familiale par trimestres