Le psychologisme est une astuce qui consiste à dénier la réalité des situations réelles des gens réels. On se dispense de toute espèce d’examen des faits extérieurs ; oui, la réalité c’est toujours trop compliqué, ça prend du temps et des efforts pour en prendre connaissance, et puis on ne serait pas assuré de garder sa position supérieure, on prendrait des risques de révéler sa naïveté et/ou son incompétence et/ou son obédience à telle ou telle idéologie sectaire, et/ou sa stratégie de mépris de classe ou de race, ou de genre sexué…
Donc, pour bien dominer son prochain par la procédure du psychologisme, il faut d’une part dénier tout examen des faits, d’autre part confronter à la grille des sentiments autorisés, les sentiments que la personne à inférioriser manifeste envers les dits faits. En règle générale, les gens éprouvent des sentiments non autorisés. C’est là dessus qu’il faut les coincer ; ces sentiments non autorisés, c’est là la principale ressource de votre dossier à charge contre votre prochain.
Une variante peut être pratiquée par de simples amateurs : le psychanalisme. Non, contrairement à ce que l’étymologie pourrait faire croire, il ne consiste pas à faire passer la psyché par le trou du cul, à l’analiser. Encore que ? Non, cette variante consiste noblement à dénier à son prochain tout droit à parler de quoi que ce soit, et surtout pas de ses propres affaires, tant qu’il n’a pas rejoint la secte des psychanalysés. L’effet persuasif de cette super-astuce se révélant décevant avec certains irréductibles gaulois, il faut ajouter aussitôt l’argument-massue « Et puis d’abord, tu ne peux pas être objectif, car tu y étais. Tu es donc incapable d’avoir le recul nécessaire ! »
Un triomphe du psychologisme, ce fut Neville Chamberlain (années 1937-1939). Par le moyen de sa science infuse, cet excellent homme savait tout de la façon de traiter avec les dictatures de l’Axe. Tandis que l’abominable du subjectivisme ce fut ce fauteur de guerre de Winston Churchill. Tout l’establishment de Grande Bretagne, entre les deux guerres mondiales, avait la connaissance infuse du caractère condamnable des préoccupations paranoïaques de ce journaliste original et marginal, tout au plus un aigri dangereux. Winston Churchill enquêtait sur le réarmement clandestin de l’Allemagne, et écrivait des articles alertant du danger croissant. Un paranoïaque, moi j’vous dit !
« And
here, I have a piece of…
(une rafale de vent emporte la feuille de papier)
Shit ! »
Fécaliser l’analisé, c’est là le secret de la domination anale.
-- La science se distingue de
tous les autres modes de transmission
des connaissances, par une croyance de base : nous croyons que les
experts sont faillibles, que les connaissances transmises peuvent
contenir toutes sortes de fables et d’erreurs, et
qu’il faut prendre la
peine de vérifier, par des expériences.
P.S. Faut-il rappeler que mes "fautes
d'orthographe" sont tout
aussi involontaires
et fortuites que le sont les lappe-pré
de Bobby Lapointe, les "anti-Caire" de Raymond Devos, ou les vatferware
des informaticiens en
récré. Ce sont des friandises à
savourer entre
amis.
Il en résulte qu'il
y a peu de délires individuels, en comparaison des
délires groupaux et tribaux, que les individus empruntent
sans même
s'en apercevoir.
En regardant les choses du côté du pire,
là où le pire existe, il
existe des professions où les fautes professionnelles
individuelles
sont minoritaires, comparées aux fautes professionnelles
groupales et
tribales pratiquées quasi-unanimement par ces
mêmes individus.
Ce n'est évidemment vrai que de certaines professions,
là où la
déontologie professionnelle est très faible,
où la cohésion de l'esprit
de corps, ainsi que sa nature sadique et profiteuse, garantissent
l'impunité totale envers les plaintes des clients, des
administrés, ou
des justiciables qui dépendent du bon vouloir et des
malversations de
ces professionnels.
L'immaturité de l'institution psychiatrique, et ses longues difficultés à s'extraire de la corruption initiale qui lui fixait des missions ignobles, mériterait un livre à elle seule. Constatant les causes de la chute de Charles X en 1830, le ministre de la justice de Louis-Philippe se devait de trouver des remplaçants aux curés pour disqualifier les pauvres, ceux qui auparavant savaient les accabler sous une condamnation : "C'est un misérable qui ne va jamais à la messe et qui est insoumis". D'une part une partie du clergé n'était plus fiable, n'appartenait plus au parti clérical, était sorti du complot traditionnel au profit des super-prédateurs, d'autre part, le discours clérical persistait à perdre irrémédiablement de son audience dans la société... Il saisit donc la proposition d'alliance que lui tendaient les aliénistes débutants et les phrénologues attardés. Désormais c'est eux qui disqualifieraient les pauvres sous un discours raciste prétendant être scientifique : "C'est un monomane. ... Il y a beaucoup de dégénérés dans cette région. ... Il a les traits caractéristiques du criminel-né..."
La bourgeoisie est la seule
classe sociale qui ait une
stratégie
judiciaire. Et cela depuis ses
origines, depuis le Moyen-âge,
en
particulier depuis les 11e, 12e et 13e siècles. Au 13e
siècle, le
bouclage de toutes les corporations s'est terminé, avec
division totale
du travail entre corporations rigides, par voie judiciaire. Donc
occuper le pouvoir judiciaire et ses abords, faisait la preuve de son
efficacité comme moyen de puissance. Dès le
Moyen-âge, la complexification progressive du droit et de la
procédure était l'outil stratégique
pour détacher le pouvoir juridique réel des
seigneurs et des rois qui l'avaient initié, et qui le
dirigeaient en principe. On sait des conflits fameux entre le Parlement
et Louis XIV, puis entre le Parlement et Louis XV.
Depuis ce temps là, en tant que classe, la bourgeoisie est
juge et
partie dans toute affaire judiciaire où l'un des plaideurs
ne soit pas
de la bourgeoisie, ou puisse en être exclu et
dépouillé de ses
caractères de classe. Occuper l'institution psychiatrique,
ou au moins sa partie judiciaire et non médicale,
était pour la bourgeoisie de robe une bonne astuce pour
pérenniser et diversifier son emprise sur l'essentiel de
l'appareil judiciaire.
Voilà donc encore un cas où il serait farfelu d'étudier un phénomène, ici le psychologisme, hors d'un cadre ethnopsychiatrique, incluant les relations de classe et d'exploitation, et les astuces culturelles qui vont avec.