Chrisval était un Edel
3, appartenant à Gilles Rousset, baptisé d'après ses deux filles :
Christine et Valérie.
Les Edel étaient fabriqués à Décines, et l'Edel 3 était sur plan
Philippe
Harlé, avec voûte et moteur hors-bord en puits. Longueur 7,80 m,
largeur compatible avec les remorquages routiers.
Voici une photo d'un Edel 3, photographié depuis mon kayak (pas le mien
: un kayak de club) :
Depuis 1953 les Rousset étaient nos voisins et amis au Brusc. J'ai à
présent oublié les prénoms des deux parents (Jean et Françoise ?).
Gilles était l'aîné des
enfants, né durant la guerre en 1942 ou 1943, et marqué dans sa cage
thoracique par le rachitisme.
En août 1976, Cécile avait un an et demi, soit presque l'âge de cette
photo là, prise durant l'hiver 1976-1977, quand je construisais une
étagère à livres au dessus du radiateur dans notre chambre
(l'agrandissement est de Geneviève, l'exemplaire était celui d'Anne, au
Brusc) :
A dix-neuf mois, une telle gamine parle, et elle désigne du doigt
un des buissons où elle décèle l'un des chats noirs (fort sauvages) qui
hantent les alentours : "Chhaaat !"
désigne-t-elle d'un ton mystérieux.
Le père Rousset était veuf depuis peu, et en était largement égaré dans
sa souffrance.
Gilles allait bientôt quitter ses attaches au Brusc et vendre Chrisval
; dans le partage ce fut Marika qui hérita de la propriété du Brusc.
Il m'invita à une (ou deux ?) sorties en mer depuis son port des
Embiez. Je
ne me souviens avec certitude que d'un mouillage entre les Embiez et le
Rouveau, à proximité de la barrière de récifs qui barre un tiers du
chenal, côté Rouveau. Ce jour là soufflait un vent d'Est modéré, le
courant portait au Nord, et fort pour un courant méditerranéen. Nous
sommes descendus faire de l'exploration à palmes.
Sur cette vue satellite, le système de vagues est incohérent :
composition de plusieurs photographies prises à des jours différents.
Puis en regagnant Cavaillon, Gilles me prêta Chrisval, et nous pûmes
faire deux courtes croisières, Geneviève et moi, tandis que Cécile
restait avec sa grand-mère Anne.
Première croisière vers l'Ouest, petit temps d'Ouest, mouillage
nocturne et dodo à Port d'Alon.
On poursuit vers La Ciotat, on passe son Bec de l'Aigle par petit
temps, on poursuit au large de Cassis et de Castel Vieil. Nous voilà
dans une interminable langue d'eaux d'égout. Allez ! Demi-tour, c'est
vraiment trop pestilentiel, et l'allure est désespérément lente.
Je
ne suis pas sûr que le second mouillage nocturne est encore à Port
d'Alon, ou un mouillage plus à l'Ouest (mais lequel ? Je n'en vois sur
la carte), mais il n'y a aucun doute qu'au réveil Geneviève m'envoie un
grand coup
de poignet dans la pomme d'Adam. Me voilà toussant comme un malheureux
pour plus d'une demi-heure.
La seconde sortie sera plus mouvementée. Déjà Anne tarde à rentrer,
tandis que l'heure du dernier bateau à rallier les Embiez se rapproche.
En désespoir de rater le dernier bateau, nous confions Cécile à Marika,
mais Anne sera longue à comprendre où est Cécile, tandis que Cécile et
Marika verront avec inquiétude l'heure avancer et la nuit tomber...
Le lendemain matin mistral sérieux, force 6, et nous sortons avec deux
ris dans la grand-voile, et le foc intermédiaire. C'est trop de toile,
nous prenons de gros coups de gîte et il faut changer de foc pour le
tourmentin. On se dégage de la baie, du Rouveau et des Magnons au
louvoyage, ça va déjà bien mieux sous tourmentin, puis partons vers
l'Est la queue en trompette. Deux ou trois diapositives sont prises de
Geneviève à la barre, décoiffée et manifestement heureuse quoique
tendue. La situation heureuse
peut tourner au drame en une seconde : si je tombe à l'eau, Geneviève
est incapable de manœuvrer pour me retrouver et me repêcher, et même
probablement incapable de se mettre en sécurité dans un port. Selon le
contre-rendu plus ancien
bouclé en 2005, sur les photos Geneviève portait son harnais, et bien
croché. Le matin, celui qui a changé le foc dans le baston au louvoyage
dans le long bord babord amures, était lui aussi bien croché par sa
queue-de-singe. Plus précisément, nous avions chacun un harnais
incorporé à notre ciré, achetés à un accastilleur avenue de la Grande
Armée à Neuilly, et qui visiblement n'existe plus. La seule différence
est que mon ciré avait un capuchon incorporé, et que deux ans plus
tard, dernier exemplaire à sa taille en fin de série celui de Geneviève
n'en avait pas, juste des boutons pour fixer un capuchon séparé,
qu'elle n'a jamais eu.
La question demeure que dans la cabine pour vérifier la navigation, mon
harnais n'est croché à rien, et que ce fut dans ce genre de situation
que le skipper d'Aloha fut projeté à l'eau par une grosse vague au
dessus du plateau de Rochebonne, et fut perdu.
Nous nous abritons sous le vent de Porquerolles, après avoir contourné
le rocher du Gros Sarranié. L'après-midi s'achève là, au calme.
La vue satellite est remarquable par sa composition de vues à dates
différentes, avec éclairages et vents différents. Le résultat est
incohérent par la représentation des vagues.
Plusieurs autres voiliers et vedettes mouillent aussi à l'abri sous le
vent. Folklore spécial avec un très "gros cul" appartenant à un truand,
qui fait profiter de la mer sa mama et sa jeune et jolie femme. La mama
n'est pas précisément à l'aise dans ce milieu et est incapable de
descendre l'échelle de bain pour se baigner. Les matelots salariés ne
sont pas non plus brillants à la manœuvre, qui est pitoyable pour
relever les ancres à grands coups de gaz maladroits et fort bruyants.
Quand le "gros-cul" a enfin relevé ses ancres, les autres plaisanciers
lui font un concert de cornes de brume, saluant leur "Bon débarras !".
Ah que c'est dur pour un truand quasi-illettré de faire le bon nouveau
riche, parmi les marins de plaisance aguerris !
Pas de frigo à bord de Chrisval, le poulet rôti n'a pas supporté,
direct aux poissons.
Lendemain matin, retour du petit temps. Nous longeons Porquerolles par
le Nord, au louvoyage. Quelques minutes de relâche dans le port ? Il ne
me semble pas, après hésitation nous poursuivons. Je prends quelques
photos de la
voilure, il est ainsi immortalisé que la voilerie était Gaastra.
Mouillage de nuit dans l'anse des Sablettes.
Toujours petit temps pour doubler Sicié, vent d'Est faible. Je tente un
coup d'audace, à la limite du tour de con : je pose l'ancre sur la
petite aire de sable à huit mètres de profondeur, sous le vent de la
pointe de la Gardiole, puis lance un coup de corne.
Le père Rousset fait alors des signaux du haut de la falaise, crie
qu'il arrive, descend son long escalier de béton, et nous rejoint à la
nage avant qu'on ait gonflé l'annexe. Il est fou de joie qu'on ait
pensé à lui, me félicite de la précision de mon mouillage ("Tu as mouillé exactement là où il faut !"),
alors que je n'étais pas trop fier d'avoir ainsi engagé le capital de
Gilles dans un coin aussi difficile et mal pavé.
Sur cette vue aérienne (agrandissable), la plage de sable de
quartzite
à 8 m de profondeur est à la même latitude que l'inscription "la
Gardiole", en vert sombre, en contraste avec les mattes de posidonies,
qui sont très sombres, quasi noires. Il ne faut pas louper sa prise
d'amures à l'appareillage ! Les systèmes de vagues ne sont pas
cohérents à l'W ou à l'E de la Gardiole ; ils n'ont pas été
photographiés à la même date.
J'ai pris des photos du père Rousset à bord. Nous regagnons ainsi le
port des
Embiez. Cette fois, je rentre au moteur : le capitaine de port
n'apprécie pas du tout qu'on manœuvre à la glénanaise, voile et
godille, dans un espace aussi resserré.
Je suis resté traumatisé de l'aviron de Chrisval, trop mince, trop
court, usé par le frottement dans la dame, et proche de la rupture.
Cette année-là ou une autre j'ai
acheté à Toulon un bel aviron de trois mètres, en niangon, qui ne fut
jamais mis en service, et est resté à Savasse comme prise de guerre. Le
traumatisme fut durable car en 2014, j'acquis un aviron de 270 cm, et
lui fis un robuste manchon de PVC pour parer à l'usure sur la dame : http://citoyens.deontolog.org/index.php/topic,2073.0.html.
Manchon d'autant plus nécessaire que là le bois est léger et tendre, de
l'épicéa probablement.
L'histoire des malheurs de ma gorge n'est pas terminée : au retour
bivouac à la belle étoile dans les lavandes, et me voilà irrité de la
gorge pour deux semaines, par la lavande. Il a fallu un sirop de
codéine pour en venir à bout. Depuis lors, j'ai toujours la gorge
facilement irritable.
Pas d'illustration par les photos (diapositives) prises alors : elles
aussi font partie des prises de guerre raflées par Geneviève en
1997-1998, lors du retour définitif de sa paranoïa guerrière. Elles ont
vraisemblablement été détruites depuis longtemps, pour éradiquer toute
trace du temps où Geneviève était hétérosexuelle, et manifestement
heureuse avec le mari qu'elle s'était choisi.