La
crise
despotique de l'immaturité sénescente.
Malgré
tout le génie observateur de Milton Erickson, et les
qualités de
synthèse de Jay Haley, qui a fait son possible pour faire
une
synthèse
de l'art d'Erickson, le cycle de la vie familiale consigné
par
Jay
haley dans "Milton Erickson, un thérapeute hors du
commun",
et que nous avons résumé à "Santé
mentale ? Décrivez",
cette description du cycle de vie et de ses étapes, manque
une
dimension essentielle de la condition humaine : la dimension politique,
et ses signaux sociaux corporels, inclus dans notre patrimoine
génétique.
Lorsqu'Indira Gandhi, le 25 juin 1975, décrète
l'état
de siège en Inde, fait emprisonner sans jugement des
milliers de
personnes, et coupe l'électricité dans les
bâtiments des journaux et
des télévisions, pour échapper aux
poursuites et
à la prison pour la
corruption électorale qu'elle avait organisée,
c'est une
femme de
cinquante-sept ans et demi, aux tempes argentées depuis
déjà plusieurs
années :
Ici avec Richard Nixon en 1971.
Indira Gandhi
était habitée par un désir de
puissance
personnelle hors du commun. ...
En
tant que premier ministre, Indira Gandhi a soigneusement
utilisé
tous
les leviers à sa disposition pour consolider son pouvoir et
son
autorité. Elle nomma ainsi des chefs de gouvernement
notoirement
incompétents et flagorneurs, dont Fakhruddin Ali Ahmed, un
président
faible qu'Indira Gandhi savait incapable d'exercer ses
prérogatives et
de miner son autorité. Dans son propre parti, elle reforma
les
mécanismes bureaucratiques et de gouvernance
jusqu'à ce
que, dans les
faits, toute décision ne puisse provenir que d'elle.
De toutes
les mesures qu'elle a été amenée
à prendre,
la plus spectaculaire est
l'état d'urgence qu'elle déclara en
été
1975 pour éviter d'être
emprisonnée pour corruption. Faisant appel à
l'article
352 de la
constitution indienne, Indira Gandhi s'octroya des pouvoir dictatoriaux
et procéda à une réduction massive des
libertés civiles et à un
muselage de l'opposition politique et de la presse. Des chefs de partis
rivaux furent emprisonnés et l'alimentation en
électricité fut
interrompue dans les bureaux de presse et les stations de
télévision.
De retour dans la capitale, le premier ministre fit voter par le
parlement une série de lois et d'amendements
constitutionnels de
plus
en plus durs ; tous furent votés sans quasiment aucun
débat. La nature
peu contraignante de la constitution de l'Inde permettait à
Indira de
contourner la législation et de se mettre ainsi à
l'abri
des poursuites
pénales une fois levé l'état
d'urgence. Aussi
importantes que furent
ces réformes, Indira Gandhi jugea cependant que son pouvoir
restait
insuffisant. C'est alors qu'elle décida de manipuler le
Président Ahmed
en le contraignant à promulguer des lois d'exception sans
l'aval
du
parlement, ce qui lui permettait de gouverner par décret.
Cette période dictatoriale dura presque deux
années.
Or
l'évolution de la couleur du système pileux de la
tête, avec évolution
argentée par plaques, est indépendante du sexe.
Hommes
comme femmes se
mettent à porter de longues mèches blanches qui
contrastent avec la
couleur sombre du restant de la toison, si seuls les mâles
ont
cette
livrée par bandes contrastées aussi dans la
barbe. Alors
que chez les
autres primates, il est fréquent que le marquage corporel de
l'âge soit
plus différencié selon le sexe. Par exemple chez
les
gorilles, seuls
les mâles d'un certain âge prennent le dos
argenté,
et c'est un
marqueur sexuel d'apogée de la puissance.
Donc l'évolution
proprement humaine n'a pas sélectionné cette
bizarrerie
du pelage dans
un bénéfice de sélection sexuelle,
elle a fait
autre chose, qui
bénéficie à la peuplade dans son
ensemble et pas
seulement à cet
individu particulier. Cette particularité ne joue aucun
rôle direct non
plus dans la pression de prédation : ni elle n'aide
à
échapper aux
prédateurs, ni elle n'aide à duper les proies.
Son
rôle est purement
politique : signaler les individus d'expérience, qui ont
désormais
autre chose à faire que de gouverner par le seul attrait
sexuel
- ce
n'est plus de leur âge -, qui ont vocation à
prendre un
rôle politique
- à condition toutefois qu'ils en aient les
capacités
morales et
intellectuelles.
Certes, c'est un signal peu fiable, et fort
imprécis : on trouve des octogénaires sans un
poil blanc,
et des jeunes
gens de moins de trente ans, déjà
entièrement
blanchis. Sous des
cheveux blancs, on peut trouver un cerveau fou à lier...
C'est
un
signal imprécis, car le mécanisme de
sélection est
lui-même très
indirect : rien pour la sélection sexuelle, ou si peu
puisque
cela
survient après la période de
fertilité,
zéro pour la pression de
prédation, zéro pour l'avantage alimentaire
direct, juste
un avantage
global (prédation et alimentation) à la peuplade
qui se
sert
intelligemment de ses vieux, et qui les respecte.
On peut
envisager une hypothèse alternative : l'adulte
mûr,
à la toison poivre
et sel, serait avantagé dans la sélection
sexuelle, au
moins dans une
des peuplades dont nous héritons
génétiquement. Il
est vrai que dans la
corne de l'Afrique, on trouve des sociétés
où un
homme de 45 ans est
encore trop jeune pour avoir accumulé assez d'argent pour
acheter une
femme... Sauf que le caractère sexuel secondaire qui est
considéré ici
est sa fortune, et sa capacité à payer pour
acheter la
femme à sa
belle-famille, et non la double couleur de ses cheveux. Nous ne croyons
donc pas à cette hypothèse comme valide pour
expliquer
cette
particularité du bagage génétique
humain.
Il est logique de
s'attendre à trouver d'autres marqueurs sociaux, notamment
des
changements dans le caractère, dans les modes relationnels.
Il
serait
unique et aberrant que l'évolution n'ait
sélectionné qu'un marqueur
social corporel, sans sélectionner aussi des aptitudes
spécifiques du
sénior, vers des rôles sociaux et politiques de
séniors. Regardons par
exemple le rôle de bibliothèque vivante
dévolu aux
griots et aux
vieillards en Afrique. Cela est en lien évident avec les
nombreuses
traditions culturelles de culte de la mémoire :
mémoire
des chants, des
danses, des contes, légendes et traditions. En
Mésopotamie, la
tradition orale a réussi a conserver vivant pendant six
mille
ans le
souvenir du Déluge : ces inondations catastrophiques dues
à la mousson
exceptionnellement profonde et ample, consécutive
à la
dernière
déglaciation. Puis les premiers écrits, dont la
Bible est
du nombre,
ont pris le relais des traditions orales pour consigner ces vieux
souvenirs, ou ce qu'il en restait. Voilà donc un exemple
parmi
d'autres, du rôle social spécifique des
séniors :
être dépositaires
d'une mémoire, qu'ils transmettent à leur tour.
On sait
déjà que
l'habileté des chimpanzés à utiliser
des outils,
se transmet de
génération en génération
sur au moins
quatre mille ans. Notre espèce en
fait bien davantage, dans la transmission de souvenirs - par exemple la
transmission orale pendant six mille ans, du souvenir des moussons et
inondations exceptionnelles en Mésopotamie, lors de la
dernière
déglaciation : le déluge
biblique -, et avait
donc largement intérêt à signaler par
des marqueurs
corporels visibles, l'individu plein d'expérience.
Il
est connu que l'épanouissement de la paranoïa prend
place
vers 45 ans.
Autre évolution possible : le syndrôme du savant
fou,
survient lui
aussi en réaction à la frustration de non
accès
aux pouvoirs sociaux et
politiques dont l'individu trouvait qu'ils lui revenaient de droit.
Dans toutes mes observations personnelles, et dans toutes celles
auxquelles j'ai pu avoir accès, les symptômes de
paranoïa ne
surviennent qu'après explosion de la crise despotique, et
seulement si
ce despotisme rencontre des oppositions à sa
toute-puissance, et
des
échecs. Ces évolutions pathologiques
découlent
d'une fragilité
narcissique primaire jamais résolue.
Un très long fil de
discussion s'est ouvert sur Doctissimo, sur les femmes perverses
narcissiques manipulatrices, mais cette diachronicité n'y
est
pas
évoquée. Les manipulations sadiques de son
prochain sont
très
différentes selon qu'on est encore à
l'âge des
rituels de séduction, ou
à celui de la crise despotique.
Mais quelles sont les
pertes de toute-puissance qui déclenchent soit une
dépression, soit sa
réaction préventive, la crise despotique ?
- La perte de la
toute-puissance sur les bébés et les enfants. Ils
ont
grandi, ils
partent, ou sont disparus d'autre façon,
épidémie
ou mort violente. A
moins que la violence par le moyen des enfants et de la privation
d'enfants, vienne de l'ancien conjoint, dans un divorce pathologique.
- La perte de l'influence par attrait sexuel. Phrase typique,
prononcée, dit-on, par la mère de Winston
Churchill : "Ah
! Où est-il le temps où il suffisait que j'entre
dans une
pièce pour que tous les regards se fixent sur moi ?".
Sur
fr.sci.psychologie, Isla écrivait "Je
doute qu'une expérience dite amoureuse, qui ne bouleverse
pas
vos
habitudes, vos valeurs et vos priorités, soit vraiment une
expérience
amoureuse". Et comment réagissons-nous, lorsque
préconsciemment, nous percevons que le temps des amours est
révolu ?
Distinguer entre le pouvoir et l'autorité.
Le lecteur n'a aucune chance de comprendre la suite, s'il confond le
pouvoir et l'autorité.
Et l'administration à la française ne l'aide
surtout pas
à avoir une idée claire à ce sujet,
car on y
désigne comme "fonctionnaires d'autorité"
ceux qui ont un pouvoir disciplinaire sur d'autres fonctionnaires.
Des professeurs de vente ont l'esprit plus clair : "Je
ne recommande pas cette méthode de vente aux jeunes
vendeurs,
car elle
requiert cette autorité souriante qui ne s'acquiert qu'avec
l'âge", enseignait Marcel Chapotin.
En
effet, sauf s'il dispose d'un pouvoir mafieux, avec mesures de
représailles, pouvant aller jusqu'aux tueurs, un vendeur
industriel n'a
comme influence sur son client, que son autorité d'homme
d'expérience,
avec une réputation d'intégrité sans
faille. S'il
vous dit que c'est le
produit X qui convient à votre entreprise, et non le produit
Y,
il
engage sa réputation. S'il raconte souvent des
carabistouilles,
le
téléphone arabe fonctionnera, et le monde
industriel est
petit.
Au lycée professionnel des C.t.l.ns, là-bas
à Nagoumari,
le proviseur Gonflebouffigues
commanditait les violences d'élèves sur un
professeur
qu'il voulait
abattre. Il cumulait un pouvoir officiel et légal avec un
pouvoir
mafieux. Mais pour autant avait-il de l'autorité, lorsqu'il
commandait
à un professeur : "M'enfin ? Qu'est-ce que vous
attendez pour
culpabiliser et déprimer ? Vous ne voyez donc pas qu'on est
tous
contre vous ?"
? Fonctionnaire de pouvoir et d'abus de pouvoir, membre d'une mafia
locale dans l'Académie de [censuré, hein !],
certes, il
était tout
cela. Mais quant à son autorité, elle
était fort
discutable...
La crise de despotisme répond à une
défaillance
dans la compétence et l'autorité.
Contrairement
à l'armée et à la marine - qu'elle
soit marchande,
de pêche ou de
guerre, le net n'a aucune école de direction ; il n'existe
ni
apprentissage, ni sélection. C'est juste une concurrence
bordélique de
despotismes locaux, dont la seule rétroaction est que les
clients
peuvent voter avec leurs pieds. C'est donc - hélas - une
riche
mine
d'exemples de crises despotiques sans fin. Les
québécois
appellent cela
en bon franglais, des "power trips".
Par exemple le 14
février 2007, nous avons eu un tel exemple de crise
despotique
de l'immaturité sénescente, par Saba/Neiva/Gudule (et prénom
réel),
visible à
l'adresse http://forum.aceboard.net/11070-1639-7896-0-Mateo-Machiavel-Bachi.htm.
Elle
avait donné d'autres exemples de crises de despotisme, par
affolement à
l'idée de ne plus être
hégémonique et
toute-puissante, réputée
omnisciente. J'en avais incidemment cité un cas du 30
août
2002 dans http://jacques.lavau.deonto-ethique.eu/oh_loup_oiseau.pdf
pages
11 et 12, et son original est en ligne à http://jacques.lavau.deonto-ethique.eu/Edith/neivacontrerefusconseils.htm.
On peut citer des tonnes d'autres exemples tout aussi consternants.
Un sujet extrêmement voisin avait été
traité
dans l'article "La structure du délire
paranoïde
à l'origine du S.A.P.", adresse http://deonto-famille.info/index.php?topic=69.0.
A suivre.