La discipline scientifique, une salutaire prise de distance,
défense contre la toxicité des malveillants.
Le chercheur voire l'inventeur prend parfois à certains moments de sa
vie un risque énorme : ne plus écouter que soi-même. Tous ne gagnent...
On retient deux exemples de victoires :
Albert Einstein a travaillé dix ans sur un problème qu'il était seul à
pouvoir se poser, et il n'aurait pas abouti à mettre en forme
définitive son idée de Relativité Générale sans les apports décisifs de
son ami Marcel Grossmann qui lui a appris la géométrie tensorielle.
Paul Adrien Maurice Dirac a mis environ un an à remettre dans le cadre
relativiste, et surtout linéaire au premier ordre, l'équation d'onde de
l'électron ébauchée par Louis de Broglie et Erwin Schrödinger.
Mais combien ont échoué ? Ou sont devenus fous ? Chacun connaît des
exemples d'inventeurs
fous qui se sont entêtés sur un mouvement
perpétuel. Ou Corentin Louis Kervran entêté dans ses "transmutations biologiques".
George Lochak est pétri d'admiration filiale pour le dernier aspect de
Louis de Broglie, entré en insurrection contre le Kopenhagengeist vers 1960 : "Il
ne se laissait plus guider, dans l'élaboration de ses nouvelles
théories, que par l'expérience et par son intuition, sans se laisser
influencer par les autres, comme au temps où il inventait la mécanique
ondulatoire. Seul Einstein restait pour lui un repère.". Mais
pratiquement toutes les nouvelles tentatives de Louis de Broglie
demeurèrent dans l'échec, du fait de ses présupposés corpuscularistes
intenables.
De toutes les causes d'échec dans ces épisodes d'isolement
intellectuel, il faut trier par la question : "Quoi de soi-même
écoute-t-on au juste ?"
Si c'est l'orgueil, alors l'échec et la folie sont presque toujours au
bout du chemin, du moins en matière scientifique. En pouvoir militaire,
je ne me risquerais pas à pronostiquer.
On en revient à la recette
principale de la résipiscence : l'accès
fluide aux phases de désillusion, même si elle peuvent revêtir
temporairement l'aspect dépressif. Savoir apprivoiser les désillusions,
et s'en faire un allié créatif.
Passer ensuite de la phase créative à la phase de rigueur, où l'on
revérifie tout. Le
minoritaire doit vérifier toutes ses preuves, trente
fois plus que le majoritaire, qui en est dispensé par la puissance
de
sa meute.
Si en plus on a bénéficié d'une formation professionnelle à
l'heuristique, qu'on est rompu au concassage pour dépister et traiter
les postulats inconscients que l'on charriait précédemment, la critique
et la reconstruction en seront facilitées d'autant.
Une autre source de danger, est que la pensée est d'abord une sécrétion
collective. Que faire en cas d'isolement scientifique ? Déjà savoir
qu'on n'est ni le premier ni le seul à avoir souffert d'isolement
intellectuel. La solitude intellectuelle de Johannes Kepler a été bien
démontrée par Arthur Koestler, par exemple.
On sait les vitesses relatives de diverses causes de décès ou
d'endommagement grave :
Trois secondes d'inattention,
Trois minutes sans oxygénation du cerveau,
Trois heures sans régulation thermique (réduites à quelques minutes
dans l'eau de l'Océan Arctique),
Trois jours sans hydratation,
Trois semaines sans nourriture,
Trois mois sans contacts humains...
On a vu la démoralisation minutieuse d'Erwin Schrödinger par
l'acharnement de Niels Bohr et de Werner Heisenberg, et par la
perte de
la proximité d'Hermann Weyl resté à Zürich. On consultera comme
échantillon significatif sa
conférence Nobel (1933), où dans les
deux dernières pages, Schrödinger biffe et dénie tout ce qu'il avait
précédemment réussi, quasiment seul contre la meute dominante, exposé
dans les neuf premières pages. Reddition complète à la meute des
vainqueurs.
Pour des raisons biographiques, je suis particulièrement sensibilisé au
rôle salvateur tenu par la discipline scientifique, quand on se trouve
dans un environnement particulièrement toxique et meurtrier. Les seuls
autres exemples que j'ai trouvés sont ceux de survivants des camps de
la mort, par exemple Bruno Bettelheim, se mettant à rédiger mentalement
les conférences et communications qu'il donnera quand il en sortira vivant. Ou
Antonio Gramsci : "Il faut empêcher
ce cerveau de fonctionner pendant trente ans !"
(ou vingt ans ?)
requit le procureur fasciste. Gramsci ne vécut pas si longtemps, et
mourut en prison. Ou Andriéï Sakharov et son épouse Elena Bonner,
surveillés jour et nuit par une centaine d'agents du KGB, qui volaient
les feuilles de Sakharov à mesure qu'il les écrivait.
J'aurais voulu trouver des exemples où le milieu toxique est le milieu
familial (ou conjugal), et ils se dérobent. Ou peut-être demeurent-ils
cachés et inaccessibles ? On a bien le cas d'Emma
Jeanne Desfosses,
qui battait et terrorisait son mari Paul Langevin, mais la corrélation
avec ses travaux scientifiques est difficile, mal documentée.
Prenons l'exemple d'André Marie Ampère, veuf tendre, qui commit
l'erreur fatale de se remarier en 1807, et en fut immédiatement très
malheureux jusqu'au bout, maltraité comme un chien par le couple de
mégères (le couple mère-fille, soit sa seconde épouse et la mère
d'icelle) qui organisèrent contre lui une guerre impitoyable, qui dura
jusqu'à la séparation en 1809. L'expérience d'Ørsted eut lieu en 1820,
et Ampère en eut connaissance en 1820. On sait avec quelle énergie, en
quelques semaines il monta des expériences décisives, et put
communiquer ses résultats à l'Académie des Sciences.
Et, et ? Et ma démonstration est ratée, car une douzaine d'année
séparent ces deux périodes chez Ampère. Il avait travaillé d'abord des
mathématiques, mais ses démonstrations maîtresses sont aujourd'hui
oubliées, car il n'était pas le premier, antériorisé de peu. Il
travailla ensuite la chimie, souvent en collaboration avec Gay-Lussac,
il découvrit la même constante qu'Avogadro, mais après Avogadro
lui-même...
J'aurais aimé trouver un autre exemple où un savant commence une
découverte majeure au moment même où dans sa maison ou son ménage, il
fait l'objet d'une guerre d'extermination acharnée, comme ce fut mon
cas durant l'été 1997 à Savasse. Détaillons quand même cet exemple-là.
Ce
fut dans la seconde quinzaine de juillet 1997, les voisins Yves
Camboulives (dans d'autres pages, je lui avais donné le pseudonyme de "Plantefayard")
et son fils Léo vinrent nous rendre visite. Ma fille cadette que Léo
connaissait au collège, était au Brusc chez sa grand-mère. Bertrand ?
Je ne sais plus, probablement aussi, après ses cafouillages pour
échouer à faire une campagne de récolte fruitière. Si mes souvenirs ne
sont pas trop faux, ma fille aînée et son bébé étaient déjà partis
visiter
des amis à Saint-Quentin, ou du moins ça n'allait plus tarder. En tout
cas demeuraient mon épouse Geneviève et moi-même. Durant la première
quinzaine de juillet, Geneviève et Cécile avaient profité du charme
exceptionnel de mon petit-fils Hugo pour faire la tournée des voisins,
et leur expliquer "Ne
fréquentez mon mari/mon père en aucun cas ! C'est
un ours qui aime la
solitude ! Pis en plus c'est une dangereuse brute ! Pis on va le foutre
à la porte de chez lui car c'est un dangereux
pédophile et violeur de
fillettes, alors vzavez intérêt à
rester dans le camp des vainqueurs !". Dans quel but se
cachaient-elles si peu de
préparer ouvertement mon assassinat, alors que Geneviève est
d'ordinaire si secrète et dissimulatrice ? C'était une ruse en six
bandes : si j'osais dire à quiconque ce que je voyais et comprenais, il
serait facile de m'accuser de délire paranoïaque, et me faire interner
loin de la lumière, elles pourraient ainsi se partager tout le butin et
le territoire, sans aucun risque de devoir s'expliquer devant une
cour
d'assises.
Yves et Léo me trouvèrent donc dans le bureau sans vue, au ras du
parking, en train de travailler sur les incohérences d'un article de Scientific American - Pour la Science,
sur le Zeno Effect, et tous
les effets oratoires et kakarakamouchem
qui vont avec. J'en avais fini début juillet avec la correction des
épreuves de mon
article de 41 pages dans "Le
nombre, une hydre à n visages ; entre nombres complexes et vecteurs",
ouvrage qui parut en décembre 1997. Un nouvel article se préparait, où
je redécouvrais indépendamment ce que John Cramer avait appelé en 1986
la Transactional
Interpretation of Quantum Mechanics (TIQM), et que
j'appelais la rétrosymétrie.
Eberlué, Yves Camboulives me soutint que j'étais passionné de physique,
et qu'on voyait bien que ça me passionnait. Rien ne put l'en faire
démordre. J'étais piégé : j'avais beau lui dire qu'il faut
réaliser les tâches qu'on est seul à pouvoir réaliser, cela ne le
convainquait pas : il projetait sur moi son horreur des maths d'école
(et des
sciences ?). D'autre part je ne pouvais pas lui expliquer en termes
complets, et à portée de voix de Geneviève, que
cette discipline scientifique était pratiquée pour me préserver mon
identité et ma santé mentale, quand j'étais encerclé par un couple de
tueuses conjurées, bien décidées à commencer par me rendre fou. C'était
un antidote à leur toxicité calculée.
Plus tard, j'ai trouvé la solution à la manière de Jonathan Swift : exposer
le point de vue de l'ennemi, ses calculs...
Ce fut un beau scandale ! J'étais coupable d'infraction à la propagande
misandre victimaire, propagande hégémonique en notre pays surenveloppé.
L'autrui de substitution avec qui dialoguer quand on est ainsi mis au
secret comme Antonio Gramsci, ou encerclé par les tueurs, ou les
tueuses,
comme moi dans ce luxueux
huis-clos de Savasse, c'est l'écrit. Vous
pouvez vous relire ultérieurement, découvrir vos erreurs ou faiblesses
de raisonnement. Seuls ou presque, l'écrit et la lecture permettent de
dépasser les trois mois d'isolation fatals.
Très sûres d'elles, Geneviève et Cécile n'en
étaient pas à leur coup
d'essai dans leur effort forcené pour rendre l'autre fou. Elles
s'étaient interrompues quand Cécile perdit pied dans chacune de ses
tentatives de faire une première année post-bac, et fut
géographiquement indisponible à Geneviève : à Amiens en 1991, à
Villeneuve d'Ascq en 1992, à Lens en 1992-1993. De juillet 1993 à
juillet
1996, Geneviève procéda à un tactique renversement d'alliance, avec son
mari (la seule personne solide, fidèle et fiable) contre les abus,
dérives et larcins des deux aînés : leur corruption qu'elle avait
organisée lui retombait sur le nez. Naïvement, j'avais cru que sa
paranoïa était en rémission, j'ai dû déchanter... Dans leur délire à
deux, elles ne soupçonnaient pas à quel point j'étais un vieux singe à
qui on n'apprend plus la grimace. Des milieux toxiques, des opinions
générales toxiques et des harcèlements, j'en avais connus bien d'autres
durant
mon enfance et mon adolescence. D'ordinaire, les
souffre-douleurs ne parlent pas, ne témoignent pas de ce qu'ils ont
subi : habilement, on les suicide avant, un crime parfait. Mais le
hasard fit que je suis un
suicidé qui a survécu. En quel état physique,
mais survécu. Bref, je savais fort bien où elles voulaient en venir.
J'ai déjà décrit dans "La science comme
identité ? Ou l’esprit scientifique ?"
comment je me tournais vers les techniques et la science vulgarisée
comme antidotes à du mensonge familial permanent, du n'importe-quoi, de
l'invasion maternelle sonore, de la jalousie paternelle infantile...
L'opinion des autres en famille était toxique. Durant toutes les
classes primaires subies à Grenoble, l'opinion des autres, en meute
violente, était toxique et d'une violente hostilité. Il me restait la
lecture, Grey Owl, et Science et Vie.
De nos jours, je demeure visé par des malveillants, attentifs à
entretenir (sur Usenet et tous lieux sans lois) l'atmosphère la plus
lourde d'insultes et de calomnies. En
effet, vu ma biographie, j'écris principalement contre des impostures,
contre des crimes parfaits, contre des fraudes : contre ce dont j'ai
vraiment souffert. J'ai donc pour ennemis
acharnés les fraudeurs, les imposteurs et les tortionnaires. Je reçois
nombre de
menaces de mort. Un exemple de ces malveillants : http://impostures.deontologic.org/index.php/board,9.0.html.
Jean-Pierre Messager a exigé mon décès pour l'hiver 2014-2015 ; je suis
toujours
vivant après le 20 mars, il n'en décolère pas. Un autre imposteur
compulsif, décédé depuis : http://impostures.deontologic.org/index.php/board,23.0.html.
Outre ses nombreuses menaces de mort, étendues à ma compagne,
Jean-Claude Pinoteau s'était beaucoup vanté d'être en lien
étroit avec ma très charmante ex-épouse, et avec le plus vantard de ses
harceleurs
compulsifs et calomniateurs à gages, j'ai nommé Jean-Paul
Douhait (aux
très nombreux pseudonymes).
Dans sa manie de comploter, Geneviève sélectionnait ses calomniateurs
et harceleurs à gages sur leur bêtise et leur malveillance compulsive,
mais ne prévoyait pas bien où
leur phénoménale bêtise les conduirait.
Là encore, le secret de la survie est de ne leur consacrer que juste
assez
d'attention pour les empêcher d'occuper le terrain impunément, et de se
re-consacrer le plus vite possible aux tâches scientifiques. La
discipline scientifique permet une salutaire prise de distance envers
l'opinion malveillante des autres, une défense efficace contre la
toxicité des malveillants. Il est probable que de nombreuses autres
disciplines de travail ont la même vertu.
Michel Schiff faisait une analyse voisine, limitée aux sciences dures :
Feu Michel Schiff s'était attiré beaucoup de haines de la part de nos
collègues en sciences dures, en rappelant cette évidence :
"Je crois que mes collègues
scientifiques le sont devenus à peu près pour les mêmes raisons que
moi, par un choix fait à l'adolescence de fuir un certain nombre de
bricoles et d'emmerdements liés aux relations humaines. Ce fut un choix
de censure et de fuite."
Ma citation est infidèle quant aux mots, mais correcte sur le fond.
Page 174, Michel Schiff, 1994.
Cette conduite de fuite, qui a pu être la solution d'hier, est souvent
devenue le problème d'aujourd'hui.
Exposer fidèlement le point de vue de l'adversaire.
C'est une technique classique des gestaltistes, et elle a été exposée
en détail par Fritz Perls. En Gestalttherapie, l'adversaire est
fréquemment un défunt, typiquement père ou mère. Perls utilisait alors
l'astuce des deux chaises : assis sur l'une le patient exposait son
point de vue, en face il jouait le point de vue de l'adversaire.
A un niveau de spécialisation bien moindre que la psychothérapie, cette
discipline est applicable en management des conflits, car des
entreprises humaines sans conflits, ça n'existe pas.
A quelque temps de là, des voisins se sont séparés brusquement et
définitivement. Voyant l'un et l'autre, j'entendais chacun dire pis que
pendre de l'autre. J'ai eu à faire retour sur la souffrance qu'ils
m'infligeaient, et leur ai donné la prescription que chacun expose le
point de vue de l'autre, assez fidèlement pour que l'autre reconnaisse
ne pas être trahi. Demi-échec : aucun n'a joué le jeu. Demi-succès :
ils se sont nettement calmés.
Les traditions féminines de persiflage et de commérage malveillant
s'opposent très violemment à la discipline gestaltiste, se rendre
capable d'énoncer fidèlement le point de vue de l'autre. En pratique,
la conclusion est pessimiste : ne soyez jamais le fils ni le frère, ni
le père ni le mari d'une féministe, car vous serez toujours la cible de
sa malveillance automatique, incontrôlable et incurable... En obédience
féministe, l'autre, le mâle, n'est pas une personne, n'est qu'une
utilité (animale
? Végétale ? Ou minérale ?), et le droit à la parole lui est
énergiquement dénié. Les choses se compliquent durement dans les cas de
violences
conjugales entre lesbiennes : comment désigner le sous-femme qui
devrait jouer son rôle de coupable
universel ?
Un autre cas d'animalité bornée est fourni par les sourds-muets.
Avez-vous déjà assisté à une scène de ménage ou de famille entre
sourds-muets ? Vous serez épouvantés par la haine et la violence qui
s'exhale dans leurs mimiques et leurs gestes. Seule la pratique du
langage symbolique aurait permis la prise de distance et la
représentation empathique d'autrui qui n'existe pas chez eux. Jane
Goodall remarquait que faute de langage symbolique, les chimpanzés
étaient prisonniers d'eux-mêmes.
Une prise de distance plus efficace encore est l'écrit. Noter sa
plainte sur le cahier des doléances, voilà un principe managérial
généralisable, à condition d'une prise en compte régulière du cahier,
pour répondre aux plaintes et remettre à plat les conflits.
Démonstration à la Maison Verte, dirigée par des doltoïens. Impensable
en obédience féministe, du reste, ni dans aucune autre secte
paranoïaque.
Voici une douzaine d'années, j'avais posé dans Esprit scientifique ?
Es-tu là ? la question "La
science est-elle une psychothérapie efficace ?" et ma réponse
était fort mitigée. Elle renvoyait au travail sur la discipline
de réflexivité, et je conserve la même recommandation.
Documents non accessibles en ligne :
Arthur Koestler. The sleepwalkers, a
History of Man's changing vision of the Universe. Penguin Books
1959, 1964. Traduction française : Les
somnambules.
Michel Schiff. Un cas de
censure dans la science. Albin Michel, 1994.
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